J'ai trouvé ça sur le net. Plutot méchant, mais pas complétement faux:
Reservoir Dogs
Mr. ORANGE ROULE LES MECANIQUES
"- Ca m'amuse de torturer un putain de flic!"
Reservoir Dogs est un film à petit budget (1.2 millions de $), comme un brouillon,
l'esquisse d'un style. Pas forcément original, d'ailleurs. Mais pour une petite prod',
les chiens aboient avec classe. Avec le temps, l'oeuvre est devenue culte. Les soirées
vidéo aidant. Comme le cinéaste géniteur s'est plongé dans différents films pour
exhumer celui-là de ses neurones. Jamais RD ne fut populaire. Trop violent,
trop politiquement incorrect, il ne rapporta que 3 millions de $. Avec 252 "fuck"
éructés, il est même passible de crime verbal dans un pays où chaque gros mot est
remplacé par un bip sur le petit écran.
Tarantino, pour son premier essai, sacré à Sundance, invité à Cannes, et applaudit à
Toronto, aura choisi de rendre hommage à Ringo Lam (le script est assez similaire à
City on fire, un des films cultes de Quentin) et John Woo (les costumes sont
semblables à ceux de la suite d'A better Tomorrow). on reste dans les années 80 avec
la référence ultime pour ouvrir son film : Madonna. Long dialogue sur les mérites de
la fausse blonde, sur son tube Like a virgin ("après Papa d'ont preach j'ai décroché").
Dès cette séquence pré-générique, le réalisateur dessine ce qui sera sa "touch" : des
échanges philosophiques sur des sujets anodins, une envie de jeu et de comédiens, un
cadre qui sert de huis-clos.
Pas une serveuse ne viendra interrompre ces bandes à part : en aparté, il ne se passe
rien justement. Juste un casse qui tournera mal. Ils papotent comme des gonzesses,
alors que ça joue aux gangsters. Chevaliers de table ronde, en costards, tontons
flingueurs, toutes les gueules sont choisies. Là aussi reconnaissons un immense talent
de casting au monsieur. Gros plans et bavardages interminables. En une séquence on a
tout ce qui peut agacer et ce qui rend admiratif chez cet éternel banlieusard.
A l'image de ces durs, pas si flamboyants, ni vraiment flambants neuf, on a le droit
à de l'occaze qui décoiffe avec un vocabulaire chiadé et se recoiffe avant de clamser.
C'est ce qu'on retient, l'essence même de ce Reservoir rouillé (un entrepôt qui a
servi de morgue dans la vie réelle; ça ne s'invente pas) : les acteurs, de Keitel à
Buscemi, de Roth à Madsen, en passant par Chris Penn (yeux exhorbités, fascinant de
folie). Ces acteurs jouent les durs. Comme ces durs imitent les acteurs (de Scorsese)
pour se donner de l'importance. Nommés par des noms de couleur (à l'instar du film de
Sargent, The taking of Pelhalm One Two Three), on suivra l'itinéraire de ceux qui
survivront (Orange, Blonde, White) grâce à une narration en flash-backs. Chacun sa
version des faits. Il manquera celle de Mr. Pink. Rôle à la base dévolu pour Tarantino
(qui passa la main à Buscemi) et contesté dans le film par le personnage. Cela peut
expliquer.
Ces salopards sont très bavards. Ils se placent avec précision dans ce huis-clos très
léché par ses choix de cadre. Le film davantage les apparence d'une tragédie théâtrale.
L'économie de moyens rend cette dramaturgie très épurée, limitant l'action. Pourtant,
le spectateur embarque. Ce suspens en quête de traître aboutira déjà (comme dans tous
ses films) à une morale très classique : le mouchard paie, et aucun, même celui qui
semble doté d'une conscience et de compassion (ici Keitel, celui qui a le doute), ne
sera sauvé. Qui a versé le sang baignera dans l'hémoglobine. Le rouge colorie ce film
noir à chemises blanches. Il faut bien cela pour compenser l'absence de B.O.F.
marquante (excepté le super son des années 70 de la radio K-Billy). Tarantino connaît
déjà la partition. Lorsque la musique envahit l'écran, c'est pour mieux appuyer
l'insoutenable à venir. L'agressivité n'est pas que verbale. Comme pour mieux manipuler
le public, le cinéaste s'autorise la surenchère, qui nuit fortement à l'ensemble.
C'est évidemment la séquence qui fit le bonheur du producteur : celle dont tout le
monde parle, sans l'avoir vue. Après des bagarres de gamins, des engueulades d'ados
immatures, l'auteur se sert d'un flic comme d'une bête de laboratoire. Torturé, le
flic sera un déclic important dans le scénario. Mais quelle idée de sombrer si
gratuitement dans le gore? Avec un fort pouvoir suggestif, il oublie sa moralité durant
quelques minutes inutiles. Avec une jubilation de tortionnaire, Tarantino, habile, nous
décompresse avec une attitude et une musique cools pour compenser la tension des pires
scènes.
C'est aussi, paradoxalement, à partir de là, où l'on se fout de ce qui est clamé, et
on l'on s'intéresse enfin à ce qui est filmé. Jusqu'à présent c'était l'inverse. La
parole sauve tout et rend humain. Mais ce n'est qu'un brouhaha qui couvre un silence
bien plus important : la violence qui couve en l'homme. Car l'action, à chaque fois,
est une malédiction. C'est le début des emmerdes. Pendant qu'ils parlent, ils ne font
pas de conneries, finalement.
Au delà du sacre du verbe, Tarantino rend le factice triomphant. Rien de crédible. Ce
sont les détails qui font les histoires, et qui rendent celle-ci un peu plus probable.
A l'image de cette séquence, la meilleure, où Tim Roth raconte, répète, apprend, et vit
une même anecdote. Multiples décors pour propos identique. Tout n'est qu'un jeu. Il
n'y a ici aucun je. Que des rôles.
Il ne faut chercher aucune profondeur dans tout cela. Les discours résonnent comme
ceux de beaufs, limite racistes. On y parle de Pam Grier et de Lee Marvin : voilà leur
champ culturel. des beaufs qui aiment se raconter des blagues au niveau de la ceinture.
Tout n'est que de la frime. Un vide abyssal remplit par une culture ni underground ni
pop, juste curieuse. Tout est "à la manière de". Hormis la morale et les dialogues,
Tarantino ne prouve pas, alors, qu'il est un auteur, avec une vision propre à un
cinéaste. Il a juste bien digéré tout ce qu'il a vu dans les années 80.
Enervant? Soyons indulgents, le duel à trois final, fatal triangle bermudien où chacun
s'apprête à tuer l'autre par effet de dominos, est un beau moment de cinoche. Instant
de grâce où Mr. White doit tuer Joe, puis tourner son arme vers Eddie. Mais White
oublie de tourner son arme vers Eddie, qui, par réflexe, tombe sans avoir été touché.
Certains s'interrogent sur qui a tué Harry ou Liberty Valance. Qui a donc tué "Eddie
le gentil"? On s'en fout, en fait, parce qu'il ne reste plus personne dans ce hangar
pour souffler la réponse. La seule chose qui compte, ce n'est pas l'authenticité de
l'image, mais bien l'effet qu'elle donne. C'est ça, la signature Tarantino.
-Vincy